Conakry, le 7 novembre 2025 — Moins de quatre mois après l’annulation du MoU controversé signé avec SD Mining sur le permis retiré à Axis Minerals, le ministère des Mines refait parler de lui.
Un courrier daté du 6 novembre 2025, signé par le secrétaire général du département, Aboubacar Kourouma, ordonne aux sociétés AGB2A-GIC et SD Mining d’évacuer tout leur matériel du périmètre de l’ancien permis d’exploitation avant le 10 novembre.
Une décision qui, loin d’éclaircir la situation, vient ajouter une nouvelle couche de confusion dans ce dossier déjà complexe.
Un partenariat éclaté, un permis disputé
L’origine du différend remonte à mai 2025, lorsque le permis d’exploitation de la société indienne Axis Minerals a été retiré par les autorités guinéennes. Ce retrait a automatiquement mis fin au contrat d’amodiation liant Axis à AGB2A SA, une structure née d’un partenariat entre des investisseurs guinéens regroupés au sein de la Guinea International Corporation (GIC) et leurs partenaires chinois de SD Mining.
Mais cette alliance s’était brisée dès mars 2022, sur fond de désaccords internes entre actionnaires. Depuis, les deux entités évoluent séparément, chacune revendiquant une part d’intérêt sur le site désormais sans titulaire officiel.
Des investissements colossaux, un sentiment d’injustice
Depuis la rupture, AGB2A-GIC dénonce un traitement inéquitable.
Alors que SD Mining a pu, grâce à une décision ministérielle, évacuer son stock de bauxite via le port de Kokaya — au profit d’une entreprise chinoise peu connue —, AGB2A-GIC n’a jamais obtenu une autorisation similaire.
Pourtant, selon ses responsables, la société a déjà investi plus de 313 millions de dollars dans la construction d’infrastructures minières, dont le port le plus moderne de la région, et détient encore près de six millions de tonnes de bauxite sur le site.
La décision du 6 novembre ordonnant l’évacuation rapide du matériel suscite donc l’incompréhension.
Pourquoi une telle précipitation ? Pourquoi ne pas encadrer cette opération dans un cadre clair, transparent et équitable ?
Et surtout, pourquoi un traitement différencié entre les deux sociétés ?
Des précédents qui interpellent
Ce n’est pas la première fois que la gestion du ministre des Mines, Bouna Sylla, suscite la controverse.
En juillet 2025, un Memorandum of Understanding (MoU) avait été discrètement signé entre le ministère et SD Mining pour l’attribution du permis retiré à Axis.
Révélé par la presse, ce document avait été vivement critiqué pour son opacité et son absence de concertation avec les acteurs guinéens concernés.
Face à la pression médiatique et politique, le ministre avait fini par annuler l’accord.
Un besoin urgent de clarté et de gouvernance
Ces épisodes répétés soulèvent de sérieuses interrogations sur la gouvernance du secteur minier guinéen.
Selon un expert contacté, « cette gestion donne l’image d’un ministère naviguant à vue, entre improvisation, conflits d’intérêts et favoritisme ».
Dans un pays où les ressources minières représentent un pilier essentiel de l’économie, la transparence et la stabilité des décisions publiques sont plus que jamais nécessaires.
La Guinée, riche de son sous-sol, mérite une gouvernance minière équitable, rigoureuse et tournée vers l’intérêt national.
Il est donc temps que les autorités compétentes fassent la lumière sur les récentes décisions du ministère des Mines et écoutent toutes les parties prenantes, notamment celles ayant consenti d’importants investissements sur l’ex-permis d’Axis.
Maïmouna Traoré, juriste, Paris (France)
