Depuis plusieurs années, la Guinée se présente comme un pays résolument engagé dans la promotion du contenu local, notamment dans le secteur minier. Ce concept, devenu un élément central du discours politique et économique, vise à encourager les nationaux à participer activement à la valorisation des ressources du sous-sol guinéen. L’objectif est clair : transformer les richesses naturelles du pays en opportunités concrètes pour les Guinéens eux-mêmes.
Pourtant, certaines situations récentes viennent questionner la cohérence entre ce discours et la réalité du terrain. Le cas d’Ahmed KANTÉ, entrepreneur guinéen actif dans l’industrie minière, illustre parfaitement ce paradoxe du contenu local : comment un pays peut-il prôner la participation de ses citoyens dans l’exploitation de ses ressources tout en semblant fragiliser ceux qui osent s’y aventurer ?
Un principe noble mis à rude épreuve
La politique du contenu local, adoptée et promue par les autorités guinéennes, vise à accorder une place prépondérante aux acteurs nationaux dans les chaînes de valeur minières : sous-traitance, logistique, maintenance, exploitation ou transformation.
Sur le papier, la démarche est ambitieuse et porteuse d’espoir. Mais dans la pratique, nombre d’opérateurs locaux se heurtent à des obstacles structurels : lenteurs administratives, manque de financement, lourdeurs réglementaires et, parfois, concurrence déloyale d’acteurs étrangers mieux soutenus.
L’affaire Ahmed KANTÉ s’inscrit dans ce contexte. Investisseur guinéen reconnu, il incarne la volonté d’un fils du pays de participer à la transformation de ses ressources naturelles. Mais aujourd’hui, il se retrouve plongé dans une situation qui met à mal non seulement son entreprise, mais aussi la crédibilité d’un modèle économique fondé sur la promotion des compétences locales.
Quand le contenu local devient un champ de bataille
Le paradoxe est saisissant : dans un pays souvent qualifié de « scandale géologique », rares sont les Guinéens qui parviennent à émerger dans le secteur minier.
Et lorsque l’un d’entre eux, à l’image de M. KANTÉ, franchit les barrières, il se retrouve confronté à une série d’épreuves qui menacent son équilibre économique et symbolique.
Si un entrepreneur guinéen, respecté et légalement établi, peut être mis en difficulté dans son propre pays, alors la question mérite d’être posée : à qui profite réellement le contenu local ?
Le risque est grand de voir les investisseurs nationaux perdre confiance, convaincus que leurs efforts ne sont ni protégés ni valorisés. Une telle situation enverrait un signal négatif à la jeunesse et à la diaspora guinéenne, pourtant invitées à participer à la construction économique du pays.
Un enjeu de souveraineté économique
La participation des Guinéens à la gestion et à l’exploitation de leurs propres ressources n’est pas un simple choix politique : c’est une question de souveraineté économique.
Laisser les capitaux étrangers dominer sans contrepoids local revient à priver la nation de son pouvoir d’influence sur ses richesses.
Soutenir des investisseurs nationaux comme Ahmed KANTÉ, ce n’est pas privilégier un individu, mais défendre une vision de développement équilibré et patriotique, où les fils du pays sont des acteurs à part entière du progrès national.
Un pays ne peut construire son indépendance économique si ses propres entrepreneurs sont fragilisés, marginalisés ou découragés.
Un appel à la cohérence et à la responsabilité
La politique de contenu local doit être appliquée avec rigueur, équité et transparence.
Il revient à l’État, aux institutions de régulation et aux acteurs du secteur de garantir un environnement où les investisseurs guinéens peuvent évoluer dans des conditions justes et compétitives.
Il est urgent de :
faciliter l’accès des nationaux à des financements adaptés ;
simplifier les procédures d’octroi et d’exploitation ;
instaurer des mécanismes de protection contre les abus et pressions extérieures ;
encourager de véritables partenariats équilibrés entre acteurs locaux et étrangers.
Car sans justice économique, il ne peut y avoir de développement durable.
Ahmed KANTÉ, plus qu’un nom : un symbole
Au-delà du cas individuel, Ahmed KANTÉ incarne une idée : celle qu’un Guinéen peut rêver grand, investir localement et contribuer à l’essor national sans dépendre d’intérêts extérieurs.
Son parcours, sa persévérance et son engagement traduisent l’ambition d’une génération prête à transformer la richesse minérale du pays en richesse humaine et sociale.
Le fragiliser reviendrait à décourager une dynamique nationale d’investissement et à compromettre la crédibilité du contenu local.
Le soutenir, c’est au contraire affirmer que la Guinée croit en ses fils et en leur capacité à relever le défi du développement.
Le contenu local ne peut rester un slogan de conférences ou un simple chapitre de politique publique. Il doit devenir une réalité vécue, visible et mesurable.
Le cas Ahmed KANTÉ doit servir de signal d’alerte et d’occasion de réflexion collective :
voulons-nous bâtir une économie où les Guinéens participent pleinement à l’exploitation de leurs ressources, ou persisterons-nous dans un modèle où nos richesses profitent d’abord à d’autres ?
Entre le rêve d’autonomisation et le risque d’exclusion, la Guinée doit choisir.
Et ce choix, plus que jamais, déterminera si notre scandale géologique deviendra un scandale économique national… ou une success story africaine, fondée sur le courage, la compétence et la foi en nous-mêmes.
Daniel KOLIÉ
Expert RH et Insertion socio-professionnelle
